Je pense en particulier à une certaine Caroline de Haas, dont la bêtise du discours confirme que le féminisme est bien le substitut d’une féminité absente. Ou alors à une triste Caroline Fourest.

C’est pourquoi je ne résiste pas au plaisir de leur dédicacer ce texte de Friedrich Nietzsche à propos du féminisme et des femmes. Texte, extrait de son ouvrage Par delà le Bien et le Mal, dépassé me direz-vous en bon démocrates ? Non, d’une souriante actualité.

Ce n’est pas un texte dérangeant, c’est un texte terrifiant, discriminatoire, outrageant, aujourd’hui à la limite de la légalité.

C’est le genre de texte issu d’un ouvrage qui ne manquera pas d’être un jour, sous le règne des esprits bornés, interdit de vente et de publication. « C’est un livre effroyable qui cette fois m’a coulé l’âme, un livre noir comme la sépia de la seiche. » écrira Nietzsche en 1886.

Aussi je préfère demander aux esprits les plus faibles, fragiles ou bornés de ne pas lire ce qui suit, tant ce qui est dit leur fera horreur dans notre système de valeurs orienté tout autrement.

En revanche, les esprits les plus fins, les hommes sexués, les femmes féminines sauront tirer de ces lignes la substantifique moelle, et retrouveront ce qu’est la féminité vraie, dans toute la force de sa beauté.

Aphorisme n°239

Jamais le sexe faible n'a été traité par les hommes avec le respect qu’on lui témoigne de nos jours ; cela va avec les goûts essentiels et les penchants de la démocratie, comme l’irrespect envers les vieillards. Quoi d'étonnant si la femme en abuse aussitôt ? On demande plus encore, on apprend à se montrer exigeante, on finit par trouver presque offensant ce tribut de respect, on préférerait la rivalité, voire la lutte ouverte pour la conquête des droits. Bref, la femme perd de sa pudeur. Ajoutons qu'elle perd aussi de son bon goût. Elle désapprend de craindre l’homme ; mais la femme qui a désappris de craindre renonce à ses instincts les plus féminins. Que la femme relève la tête au moment ou l’homme cesse de vouloir et de cultiver en lui ce qui est propre à inspirer la crainte ou, disons-le tout crûment, sa virilité, c'est parfaitement légitime et fort compréhensible ; mais ce qui est plus malaise à comprendre, c`est que la femme, du même coup, dégénère. Or c’est là ce qui arrive de nos jours, ne nous y trompons pas. Dès que l’esprit industriel l’emporte sur l’esprit militaire et aristocratique, la femme aspire à l’indépendance économique et juridique d'un commis : la femme-commis nous attend aux portes de la société moderne en formation. Tandis qu'elle s'empare ainsi de droits nouveaux, quelle cherche à devenir le maître et inscrit sur ses drapeaux et ses draperies ces mots : Progrès de la femme. Le contraire s’accomplit avec une évidence effroyable : la femme est en régression.

Depuis la Révolution française, l’influence de la femme est en baisse en Europe, dans la mesure où elle a ajouté à ses droits et à ses prétentions, et l’émancipation de la femme, pour autant quelle est réellement revendiquée par les femmes et non seulement par des crétins mâles, s`avère comme un curieux symptôme de l’affaiblissement, de l’effritement graduel des instincts féminins primordiaux. Il entre de la bêtise dans ce mouvement, une bêtise quasi virile, dont toute femme bien constituée, donc intelligente, devrait grandement avoir honte. Perdre le flair qui vous indique sur quel terrain si est le plus apte à remporter la victoire, négliger l’exercice de l’escrime a laquelle on est passé maître, se laisser aller, en présence de l'homme, peut-être jusqu’à écrire un livre, au lieu d'observer comme naguère une tenue décente et une humilité fine et matoise ; travailler avec une vertueuse impudeur à ruiner chez l'homme la croyance à un idéal foncièrement différent qui serait caché dans la femme, à je ne sais quel « Eternel féminin » et à sa nécessité ; à force d’insistance bavarde, dissuader l’homme de croire que la femme doive être gardée, soignée, protégée, ménagée comme un animal domestique plus délicat, singulièrement sauvage et souvent agréable ; rechercher minutieusement, avec une maladroite indignation tout ce que la position sociale de la femme a eu et a encore de servile et de subalterne (comme si l’esclavage était contraire à la civilisation et non pas plutôt à la condition de toute civilisation supérieure, de tout progrès en civilisation), que signifie tout cela, sinon que les instincts féminins s’effritent et que la femme renonce à être femme ?

Sans doute, il y a parmi les ânes savants du sexe masculin assez de stupides amis des femmes ou de corrupteurs de femmes pour leur conseiller de renoncer à toute féminité et de copier toutes les sottises dont souffrent comme d'une maladie « l’homme européen », la « virilité européenne » ; imbéciles qui voudraient raavaler la femme au niveau de la « culture générale », peut-être même l’obliger à lire les journaux et à faire de la politique. Quelques-uns voudraient aller jusqu'à transformer les femmes en libres penseurs et en gens de lettres, comme si une femme sans religion n'était pas pour un homme profond et impie quelque chose d'absolument répugnant et ridicule. Presque partout on leur gâte les nerfs au moyen de la musique la plus morbide et la plus pernicieuse qui soit (notre récente musique allemande) ; on les rend de jour en jour plus hystériques et moins aptes à suivre leur vocation première et dernière, qui est de mettre des enfants au monde. On veut les « cultiver » de plus en plus, et, comme on dit, fortifier ce sexe faible en lui donnant de la culture ; comme si l’histoire n'enseignait pas de la façon la plus péremptoire que la « culture » de l’être humain a toujours marché de pair avec sa débilitation – je veux dire la débilitation, l’éparpillement, l’alanguissement morbide de la volonté – et que les femmes les plus puissantes, qui ont exercé la plus forte influence (la mère de Napoléon en est le dernier exemple) doivent leur puissance et leur ascendant sur les hommes à la force de leur volonté, non aux maîtres d'école.

Ce qui chez la femme inspire le respect et assez souvent la crainte, c’est sa nature, plus « naturelle » que celle de l’homme, sa souplesse rusée de véritable félin, sa griffe de tigresse sous un gant de velours, la naïveté de son égoïsme, son inaptitude à se laisser éduquer, sa sauvagerie profonde, le caractère insaisissable, vaste et flottant, de ses convoitises et de ses vertus... Ce qui, malgré la crainte qu’on éprouve de ce joli et dangereux félin, inspire la pitié pour la femme, c'est quelle apparaît plus dolente, plus, vulnérable, qu'aucun autre animal, plus assoiffée de tendresse et condamnée à plus de désillusions. Crainte et pitié, tels étaient jusqu’à présent les sentiments de l’homme en face la femme, et déjà il lui semblait avoir un pied dans la tragédie qui nous déchire en nous ravissant. Hé quoi ? Tout cela serait fini ? Et on aurait entrepris de désensorceler la femme ? La femme deviendrait peu à peu de plus en plus ennuyeuse ? Europe, Europe ! On connaît la bête à cornes qui toujours eu pour toi le plus d'attrait, la source des dangers qui te menacent sans cesse. Ta vieille fable pourrait redevenir de l’histoire, une bêtise énorme pourrait de nouveau te ravir et t’enlever. Et ce n'est pas un dieu, cette fois, qui se dissimulerait dans cette bêtise énorme : non, rien qu’une idée, une « idée moderne ».

Friedrich Nietzsche, Par delà le Bien et le Mal – Jenseits von Gut und Böse, 1886. Traduction de Geneviève Bianquis, éditions Aubiers, ISBN 2.7007.0099.6.

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